Dictée dite « de Mérimée » faite à une réunion du château de Saint-Cloud (1868)

Lié d’amitié avec Eugénie de Montijo bien avant qu’elle n’épouse Napoléon III, Prosper Mérimée devint le boute-en-train officiel de la cour impériale. La légende veut qu’il ait composé sa dictée pour distraire le brillant aréopage qui s’étiolait d’ennui au château de Compiègne par une après-midi pluvieuse. Le prince de Metternich l’aurait emporté haut la main avec seulement 3 fautes. Octave Feuillet en aurait commis 19, Alexandre Dumas fils 24, la princesse de Metternich 42, la belle Eugénie 62, et l’Empereur aurait tenu le rôle du cancre avec 75 bévues ! En réalité, il existe plusieurs versions de la dictée, toutes aussi hermétiques qu’alambiquées, et il n’est même pas certain que Mérimée en soit l’unique auteur. Voici celle qui fut publiée en 1900, soit plus de quarante ans après l’épreuve, qui fait désormais référence.

Pour parler sans ambiguïté, ce dîner à Sainte-Adresse, près du Havre, malgré les effluves embaumés de la mer, malgré les vins de très bons crus, les cuisseaux de veau et les cuissots de chevreuil prodigués par l’amphitryon, fut un vrai guêpier.

Quelles que soient, quelque exiguës qu’aient pu paraître, à côté de la somme due, les arrhes qu’étaient censés avoir données la douairière et le marguillier, il était infâme d’en vouloir, pour cela, à ces fusiliers jumeaux et mal bâtis et de leur infliger une raclée, alors qu’ils ne songeaient qu’à prendre des rafraîchissements avec leurs coreligionnaires.

Quoi qu’il en soit, c’est bien à tort que la douairière, par un contresens exorbitant, s’est laissé entraîner à prendre un râteau et qu’elle s’est crue obligée de frapper l’exigeant marguillier sur son omoplate vieillie. Deux alvéoles furent brisées, une dysenterie se déclara, suivie d’une phtisie. “Par saint Martin, quelle hémorragie !” s’écria ce bélître. A cet événement, saisissant son goupillon, ridicule excédent de bagage, il la poursuivit dans l’église tout entière. "